Ayka, de Sergey Dvortsevoy

Ayka, de Sergey Dvortsevoy — Kazakhstan 2018 — Genre : Des dettes et des soucis.

Ayka

Aujourd’hui, j’ai décidé de vous parler d’un film kazakh. Certes, les longs-métrages venant de ce pays ne sont pas très nombreux, mais il n’en reste pas moins que les réalisations venant du Kazakhstan franchissent de temps en temps nos frontières et parmi toutes celles que j’ai vues (en même temps cela ne fait que cinq) la plupart sont excellentes. En préparant ce billet, j’ai même appris que Paris a accueilli, en septembre dernier, le premier festival du film du Kazakhstan.

Le film débute avec des bébés saucissonnés, comme du jambonneau à l’aide d’un linge (c’est comme ça qu’on le faisait autrefois dans les pays d’Europe de l’Est avec les nouveau-nés, mais visiblement c’est encore le cas dans certains pays), qui braillent attendant d’être alitée dans une chambre pleine a craqué. Parmi toutes les mères, il y a Ayka, l’héroïne du film, qui prétend vouloir aller aux toilettes pour finalement s’enfuir par la fenêtre en abandonnant son nouveau-né. Dehors il fait froid, c’est l’hiver (nous sommes à Moscou), il y a de la neige partout, c’est l’horreur pour les frileux comme moi, je suis frigorifié rien qu’à regarder. Aussi, la pauvre femme avance tant bien que mal, elle est malade, elle n’aurait jamais dû quitter l’hôpital, mais toujours est-il que son téléphone portable n’arrête pas de sonner, elle ne veut pas répondre, la situation est stressante (mes oreilles en ont marre) et on comprendra un peu plus tard qu’Ayka doit de l’argent à des types peu recommandables. À quel endroit se précipite notre héroïne ? Tout simplement à son travail (dans une usine de dépeçage de volaille à vous dégoûter à tout jamais de manger ce type de viande), car Ayka a besoin d’argent pour rembourser ses dettes, elle ne peut pas se permettre de se faire virer. Malheureusement, la jeune femme ne se fera pas payer. Rien ne va se passer comme elle l’espérait, car son parcours est chaotique, semé d’embûches. Ayka de plus en plus malade se fera soigner dans un appartement glauque et dans lequel des femmes viennent se faire avorter. À bout de souffle et de force, Ayka devra renoncer à plusieurs emplois précaires, extrêmement difficiles, mais elle n’abandonne pas, malgré le fait que son titre de séjour n’est plus valide depuis plus d’un an, elle s’accroche. Cependant, les poursuivants d’Ayka vont finir par la retrouver et il faut dire que ces derniers ne sont pas très contents, ils veulent leur argent. Et vite ! Si vous préférez ne pas connaître la fin, je vous invite à ne pas lire la suite. Après quelques jours de galère et au bout du rouleau, Ayka va rappeler ses créanciers afin d’effacer sa dette en leur vendant son bébé (qu’elle doit avant tout aller récupérer).

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Vous l’aurez saisie, ce long-métrage raconte l’histoire de la déchéance d’une femme prisonnière de sa condition et aussi de son destin. On comprend d’ailleurs qu’elle ne s’en sortira pas, malgré que la fin reste ouverte, aucune solution n’apparaît pour elle. Il s’agit d’un grand film social, comme savent faire les frères Dardenne ou bien Ken Loach, même si ce dernier est parfois un peu trop didactique pour moi. D’ailleurs, le film kazakh m’a fait penser à « Deux jours, une nuit ». La réalisation de Sergey Dvortsevoy est très intelligente (fine), car bien que la caméra soit focalisée sur son héroïne, on entrevoit par petites touches ce qui se passe derrière (qui se situe dans le même espace-temps, mais séparé) et on comprend qu’il y a d’un côté les grands gagnants et de l’autre ceux qui rêvent de réussite, mais qui crèvent comme des chiens. D’ailleurs, le film est extrêmement pessimiste, réaliste selon moi. Enfin, le film est toujours en mouvement, on est dans l’urgence, cela bouge tout le temps dans tous les sens, c’est un film extrêmement dynamique et il me semble que celui-ci a été tourné avec la caméra à l’épaule (pour certaines scènes, j’en suis quasiment certain). On a l’impression d’être dans une cocotte-minute sur le pont d’exploser. C’est un film que je recommande. D’ailleurs, si vous voulez découvrir un peu plus le cinéma kazakh je vous conseille les titres suivants : « La Tendre Indifférence du monde », « L’ange blessé », « Tulpan ».

Qu’en pensez-vous ? Merci de m’avoir lu.

34 réflexions sur “Ayka, de Sergey Dvortsevoy

  1. L’espace de quelques instants, la lecture du billet m’a transporté dans le froid russe. J’étais au côté d’Ayka poursuivie dans la neige. Je note ce film, visiblement dans la veine Dardenne. « deux jours, une nuit » en est un autre qui attend son tour. J’ai mon programme à venir. Merci.

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  2. Rendre la dureté de la vie : les écrivains, les cinéastes qui s’y efforcent ne ménagent pas les lecteurs, les spectateurs, pour la faire ressentir – quitte à décourager parfois d’aller voir.

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  3. Quelle chance de pouvoir voir ces films; ce serait sympa si tu pouvais indiquer où tu les trouves pour qu’on (que je) puisse voir si je peux me les procurer aussi. J’avais vu la bande-annonce, justement au moment du festival du film kazakh, d’ailleurs. Comme tu dis, « c’est la vie » – une vie pourrie pour mal de gens, quand même. Merci pour les autres films que tu suggères.

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  4. J’allais écrire exactement le même commentaire que Keisha ! Disons que ce film semble montrer l’un des aspects les moins reluisants de la vie… en tous cas, très intéressant ce billet, ce cinéma kazakh m’est complètement inconnu.
    Et rien à voir, mais « L’idiote » a déjà rejoint ma pile !

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