L’obscène oiseau de la nuit, de José Donoso

L’obscène oiseau de la nuit, de José Donoso (Belfond) — ISBN-13 : 9782714480811 — 640 pages — 18 € — Genre : Miroir déformant.

donoso

Rendons hommage à Ingannmic (je vous invite à lire ça critique ici) qui m’a fait découvrir ce roman de José Donoso, il y a plusieurs années maintenant, que j’ai enfin fini par me procurer. Il faut dire que « L’obscène oiseau de la nuit » n’était plus disponible jusqu’à ce que la collection Vintage des éditions Belfond se rappelle à son bon souvenir. Merci également à eux…

Le narrateur du livre, Humberto Penaloza, est un personnage polymorphe, parfois nous le retrouvons sous les traits d’un garçon, d’une sorcière, du secrétaire de Jeronimo, etc. Celui qui raconte, car il est finalement un témoin privilégié, c’est celui qui administre la villa et ses résidents, c’est une sorte de majordome pas tout à fait comme les autres. Ainsi, dans un premier temps, nous découvrons l’histoire d’un lieu, une énorme maison labyrinthique qui appartient à la même famille depuis des siècles, mais qui est gérée par l’Église. Dans cette immense demeure, de vieilles femmes y habitent, nous ne savons pas très bien qui elles sont (peut-être des nourrices), mais aussi des bonnes sœurs, des orphelines et orphelines, mais également des êtres étranges, difformes, monstrueux, mais humains. Ces personnages viendront plus tard, après la naissance du petit, dernier descendant des Azcoitia… Pourquoi ? Car celui-ci est né avec un handicap, c’est-à-dire une malformation repoussante (pour ne pas dire répugnante) et que son père, Don Jeronimo, décide de protéger d’une manière assez surprenante. En effet, son fils devra rester enfermé dans la maison familiale, dans laquelle ne pourront vivre que des gens difformes que l’on ira récupérer dans toute la région, mais qui seront perçus, par l’enfant qui ne connaîtra que ça, comme des êtres normaux. Cachons la vérité pour la rendre indolore. Je m’arrête ici pour le résumé, car je considère qu’il est impossible d’en dire plus, tellement il se passe de choses dans ce roman. Avec ces quelques lignes, je ne fais que gratter la surface.

On dit qu’il y a des passages éphémères, des cours inutiles, des galeries aux longues perspectives en trompe-l’œil, des objets entassés dont personne ne sait plus l’usage, des taches de moisissure qui développent posément leurs paysages sur les murs, le léger voile de poussière qui tombe du bois vermoulu, des chambres pleines de ce silence que jamais personne n’a rompu, car il n’y a jamais eu personne bien qu’on dise que si et qu’il y ait peut-être encore quelqu’un, mais je ne crois pas, quelqu’un qui s’agite dans un coin, dehors, il y a quelqu’un, il y a un dehors, il y a une autre toux que la mienne, mais si étouffée que ce n’est peut-être pas une toux, il y a des mouvements que je n’ai plus, un très léger comme celui des ombres s’organisant, avançant sans marcher car il n’y a pas de pieds pour faire des pas, ce n’est ni un chat ni un chien ni une souris ni une poule ni une chauve-souris ni un lapin (…).

Le livre de Donoso est vraiment très fort. Il a un petit côté étrange, irréel, onirique, on dirait un peu l’île du docteur Moreau par certains abords. De plus, j’apprécie beaucoup le style d’écriture, pour moi cela compte énormément et ici c’est très dynamique, on y perd parfois son souffle et puis tout d’un coup ça ralentit. C’est très recherché, très fort, d’une grande inventivité et c’est ce que j’aime aussi. Par exemple, l’auteur nous donne le point de vue d’un personnage puis il passe à un autre au beau milieu de la phrase qui compte souvent plusieurs pages. L’écrivain joue avec les identités, avec le réel et l’irréel, on a par endroit l’impression d’être dans un rêve brumeux, dans un conte fantastique, dans un trip psychédélique. D’ailleurs, je ne suis pas certain d’avoir saisi l’intégralité du texte, je suis même sûr du contraire. Pour autant, j’ai adoré la richesse narrative et inventive de ce roman foisonnant et inclassable, bien que l’on considère celui-ci comme une œuvre post-moderne.

Qu’en pensez-vous ? Merci de m’avoir lu.

J’ai rédigé cette critique dans le cadre du mois consacré à la littérature latino-américaine.

36 réflexions sur “L’obscène oiseau de la nuit, de José Donoso

  1. Un pavé et un avis enthousiaste, tu commences fort 🙂 J’ai lu ton billet avec intérêt mais ce roman n’est clairement pas pour moi. « L’écrivain joue avec les identités, avec le réel et l’irréel », « rêve brumeux », « conte fantastique », « trip psychédélique »: je fuis!

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  2. Moi, c’est tout ce que j’aime cette littérature, ce mélange entre réalisme et onirisme, ces variations de points de vue, cette puissance dans l’écriture, ces thèmes forts ! Je parle de la littérature latino-américaine en général que je découvre grâce à vous, Ingammic et toi, car je ne connais pas Donoso. C’est l’un des titres que j’ai cherché en bibliothèque mais pas trouvé. Mais j’ai fait provision de beaucoup d’autres !

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  3. Un titre qui est arrivé chez moi par Ingannmic, justement ! Comme c’est un pavé, je pensais le lire l’été dernier, mais cet été ne fut pas vraiment celui prévu … Il me fait toujours de l’oeil et j’espère pouvoir me lancer avant la fin du mois latino américain. Trip psychédélique … Rien que cela …

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  4. Je ne connaissais que de nom cet ouvrage de José Donoso,ayant lu Le jardin d’a côté et une large réflexion sur la condition d’exilé. Auteur très talentueux.
    Le thème rappelle un peu Cent ans de solitude de Garcia Marquez.

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