Moi, le suprême, de Augusto Roa Bastos (Ypsilon) — ISBN-13 : 9782356540959 — 520 pages — 25 € — Genre : Naissance d’une nation.
Aujourd’hui, c’est la journée des inaugurations. Ainsi, c’est la première fois que je lis un livre de la maison d’édition ypsilon, mais c’est également la première fois que je découvre le roman d’un auteur paraguayen. Qu’ai-je pensé des deux ? C’est ce que nous allons voir tout de suite après mon résumé.
Le livre débute par la retranscription d’un pasquin découvert cloué sur la porte principale de la cathédrale d’Asuncion. Sur celui-ci, sont inscrites les dernières volontés du dictateur paraguayen. Et, quelles sont-elles ? En gros, qu’après son décès sa tête soit exhibée, sur le haut d’une pique, en place publique. Peu de temps après, la rumeur de la mort du dictateur (nommé Excellence) court. Ce dernier, fou de rage, charge son secrétaire privé et greffier du Gouvernement Suprême, Patino, de trouver le coupable de la note facétieuse. Qui est celui que l’on compare à Caligula ? Ce n’est autre que José Gaspar Rodriguez de Francia, le premier dictateur du Paraguay qui régna jusqu’à sa mort, c’est-à-dire de 1814 à 1840. En effet, le livre de Augusto Roa Bastos est une sorte de roman historique qui raconte la vie et l’œuvre d’un dictateur. D’ailleurs, El Supremo assumait sa position, il la revendiquait en s’étant fait appeler « Dictateur suprême et perpétuel », car il souhaitait par ce régime politique autoritaire assurer l’indépendance de son pays et se protéger des impérialistes étrangers (surtout anglais). C’est en quelque sorte un mal pour un bien, mais il faut dire que José Gaspar Rodriguez de Francia considérait le Paraguay comme sien.
Ne pas avoir de jugement, c’est le propre des fous. Le délire de leur haine et l’impuissance de leurs ambitions ont ôté jusqu’au dernier atome de matière grise à ces fils de la Grande Sigillaire. Ils menacent d’embrocher ma tête tout en haut du mât de la République. Le minimum qu’ils demandent, c’est le Scrutinium Chymicum de mon incinération. Trop, c’est trop peu. Puisqu’ils ne peuvent brûler ma propre personne, ils me brûlent en effigie en me faisant fumer mon propre phallus. Essai général, encore une fois. Hum. Ah ! Leurs clowneries me fatiguent. Je ne vais pas leur répondre. Rien de tel que le silence pour exalter l’autorité. Le champ de ma patience est des plus vastes. Je dois aussi vous protéger, petits séditieux de quatre sous ! Châtrés d’âmes-œufs. Incubes/succubes de la guérilla pamphlétaire. Légion débauchée d’eunuques prématurés. Ils rongent le frein du Gouvernement et y laissent leurs dents de lait cariées.
Face à ce roman d’une énorme originalité et richesse stylistique, le lecteur est un peu comme un archéologue. En effet, le livre est tout sauf linéaire, nous sommes plongés dans une succession de récits (historiques, idéologiques, mais aussi philosophiques) qui sont parfois des écritures personnelles sur un carnet, des réflexions sur l’histoire du pays, des notes de bas de page, des dictées du dictateur à son secrétaire, etc. Puis, entre ce flot continu de notes et paroles, qui nous fait découvrir l’histoire d’un pays, mais également l’état d’esprit de José Gaspar Rodriguez de Francia, immerge le présent imaginaire, celui de l’intrigue : qui est donc l’auteur du pasquin ? Cependant, cette question n’est pas ce qui importe le plus, ce qui intéresse Augusto Roa Bastos, c’est la personnalité du dictateur, son bilan, son testament… J’ai vraiment apprécié ce roman, car il est très instructif. Ainsi, j’ai pu apprendre énormément de choses sur l’histoire du Paraguay et du dictateur José Gaspar Rodriguez de Francia. Certes, à cause de sa forme, ce n’est pas le livre le plus facile à lire, mais ce n’est pas non plus insurmontable. Avec ce texte on est devant un chef-d’œuvre, n’ayons pas peur des mots. Merci aux éditons ypsilon d’avoir réédité, trente ans après sa première publication, Moi, le suprême.
Qu’en pensez-vous ? Merci de m’avoir lu.
J’ai rédigé cette critique dans le cadre du mois consacré à la littérature latino-américaine.
Je ne pense pas que ça soit une lecture qui me ressemble…
En revanche mon oeil a récemment été attiré par l’histoire d’un homme extravagant et pas forcément du bon côté, un livre peu historique et ces petits détails font écho à ton article : https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/01/09/le-diable-parle-toutes-les-langues-de-jennifer-richard-a-reculons-dans-les-pas-de-basil-zaharoff_6065703_3260.html
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Je vais regarder ça, merci pour ton lien…
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Avec plaisir !
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Oh, c’est pour moi, ça ! J’ai aussi lu pour la 1ère une auteure paraguayenne (prochain billet), avec un titre très différent de celui-ci, et j’ai aimé aussi.
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J’ai hâte de découvrir ton prochain billet 🙂
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Une histoire de dictateur ça semble original ! Et moi non plus je ne connais rien à l’histoire ni à la littérature paraguayennes – ça pourrait être une occasion de découvrir !
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C’est un livre très original, sur le fond et la forme 🙂
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je ne connais pas bien non plus ce pays mais la forme me rebute 😉
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Mais pourquoi 😀 😉
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Déjà que je mélange Paraguay Uruguay…^_^Merci d’explorer pour nous ces contrées. Pour ma part, ayé! j’ai lu un roman mexicain, l’honneur est sauf. ^_^
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Maintenant il faudra bientôt de nouveau la sauver pour mars 😉 🙂 hihihi
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Là j’ai pris mes précautions, et j’ai pu lire sans pression, c’est sans doute la raison. De l’ukrainien, pour l’instant, et p’t’être du russe…
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😉
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je n’ai lu aucun auteur paraguayen et je me pose toujours beaucoup de questions sur le le goût pour les dictateurs dans cette région du globe , alors ? ben je suis quand même retenue dans mon envie de lire ce livre par la difficulté de sa construction.
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Comme je le disais, ici il se justifie en disant vouloir échapper à l’impérialisme anglais. La raison est compréhensible, mais le résultat beaucoup moins…
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Belle présentation Goran. Ces mois autour d’un pays nous ouvrent des portes extraordinaires. Mon billet pour le mois s’en vient. Au plaisir!
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J’ai hâte de te lire 🙂
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Ahhh j’adore les livres qui nous apprennent plein de choses !
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Et oui …
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