La Lucidité, de Jose Saramago (Points) — ISBN-13 : 9782757806258 — 384 pages — 7,80 € — Genre : Des électeurs intelligents.
Pour le plus grand plaisir de nos lecteurs, avec « la bouche à oreille », nous avons décidé de nous retrouver (de nouveau) pour une lecture commune. Et puis, il faut dire que j’aime ce genre d’exercice, car bien souvent il me pousse à découvrir des textes que je n’avais pas forcément prévu de lire. J’ai presque oublié le plus important, n’oubliez pas d’aller lire la critique de « la bouche à oreille ».
La Lucidité, de Jose Saramago, est la suite du seul livre (et certainement pas le dernier) que j’ai lu de l’écrivain portugais. L’histoire se déroule environ quatre ans après L’aveuglement. Cependant (bien que de nombreux liens existent entre les deux), vous n’êtes pas obligé d’avoir lu ce titre pour comprendre le roman qui nous intéresse aujourd’hui. Dans celui-ci, nous sommes au lendemain des élections municipales, c’est la débandade, il y a eu 83 % de vote blanc. Le gouvernement est stupéfait, ce résultat est impossible, il y a eu une manipulation quelque part, c’est la faute de je ne sais qui, des anarchistes… Peu importe, il faut réagir, et stupidement, pour ne pas changer et nous éloigner du réel. L’état de siège est décrété. Puis, une lettre anonyme désigne la coupable. La fautive est celle qui n’a pas été aveugle lorsqu’il y a quatre ans le pays entier fut touché de cécité. Comment a-t-elle fait ? Pourquoi ? Tout ceci n’a aucune importance, il faut rendre l’illogique logique en le modelant, afin de le faire rentrer dans la tête des gens. Le livre de José Saramago est finalement un texte très actuel.
Le ministre de l’intérieur ne répondit pas aussitôt, il laissa passer plusieurs secondes de façon à retrouver son calme, puis il dit, Que devrions-nous faire, à votre avis, Rien, Je vous en prie, mon cher, on ne peut pas demander à un gouvernement de ne rien faire dans une situation pareille, Permettez-moi de vous dire que dans une situation pareille un gouvernement ne gouverne pas, il fait juste semblant, Je ne peux pas vous suivre sur ce point, nous avons agi depuis le début des événements, (…).
Mon avis concernant ce livre est assez partagé. Je ne parle pas de l’écriture. En effet, qui connaît le style de l’écrivain portugais, ne sera pas déçu. J’ai retrouvé avec plaisir les longues phrases, extrêmement rythmées, de José Saramago, mais également les grands blocs de textes. D’un premier abord, cela peut sembler difficile à lire, mais cela ne l’est pas du tout. Non, ce qui m’a un peu perturbé, c’est le parti pris développé par l’écrivain dans la première partie du livre, celle dans laquelle le gouvernement décide de prendre des décisions (que j’appellerai de drastique) à cause du fort pourcentage de votes blancs. Pour moi, cela n’a aucun sens logique, car vote blanc ou nul, les mêmes restent au pouvoir et tout le monde s’en fout et surtout les élus s’estiment tout à fait légitimes. Dernièrement, nous avons eu pratiquement 60 % d’abstention et, en dehors de quelques phrases préparées par des communicants pour affirmer que ce n’est pas bien, tout le monde est passé à autre chose, tout le monde a oublié. La démocratie en péril, tout le monde s’en fout. Alors que dans le livre, le gouvernement a été catastrophé, il a considéré ce vote blanc massif comme une attaque envers la démocratie. Il fallait réagir, même n’importe comment et surtout n’importe comment. Par contre, ce qui est plutôt bien vu, c’est que dans le roman les dirigeants politiques ne se remettent jamais en question, le fautif est toujours à chercher ailleurs. Cela ne vous rappelle rien ? Enfin, j’ai apprécié la mise en avant par l’écrivain des tours de passe-passe logique des politiciens (c’est aussi une spécialité de notre époque) afin de justifier l’injustifiable et de défendre l’indéfendable. Finalement, j’ai préféré l’histoire à partir du moment où l’on recherche celle que l’on considère comme étant la fautive. Toujours est-il que le sujet est finalement extrêmement intéressant, je pourrais en écrire des tartines, mais je m’arrête ici. En tout cas, malgré ma petite réserve, j’ai passé un très bon moment en compagnie de ce roman qui interroge.
Qu’en pensez-vous ? Merci de m’avoir lu.
Je n’ai rien lu de cet écrivain mais le lien que tu fais avec notre actualité est intéressant. Merci pour la belle suggestion!
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Intéressant ! Le sujet comme la chronique. Et oui, comment ne pas penser à la dernière présidentielle ( toutes les absententions et votes blancs du 2e tour). C’est bien sûr toujours d’actualité.
En tout cas, je note le titre et l’auteur pour une prochaine lecture.
Merci pour ce partage. Bonne soirée.
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Un jour je lirai ce romancier (absent dans ma bibli la plus proche)
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j’avais commencé l’aveuglement mais j’ai abandonné, le style ne m’a pas parlé hélas.
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Le sujet m’intéresse beaucoup. Le bémol soulevé n’en est d’ailleurs pas un à mes yeux. Si un lecteur n’adhère pas à un postulat de l’intrigue, cela ne remet pas en cause les qualités intrinsèques de l’œuvre. Le vote blanc et surtout l’abstention posent problème à la plupart des démocraties (en tout cas les vieilles), et même si en effet au final, on s’en fiche un peu (c’est bien vrai !) les gouvernants cherchent parfois des moyens de pousser les gens à se rendre aux urnes et à prendre position. Certains pays rendent le vote obligatoire. Chez nous, on a souvent utilisé un parti « vilain canard » pour lequel il ne fallait surtout pas voter, et surtout pas laisser gagner, or le vote blanc favoriserait ledit vilain parti (ce qui s’est avéré faux, bien entendu) Le sujet de l’autre roman évoqué m’intéresse également. Reste à voir pour le style, qui semble assez particulier, si j’en crois certaines remarques. Merci pour la découverte.
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pour moi, je crois qu’il y a eu un avant et un après L’Aveuglement tellement ce roman m’a chamboulée. Ensuite j’ai lu Les intermittences de la mort qui m’a beaucoup plu aussi. J’avais cru comprendre que tous les romans de l’auteur n’étaient pas de même qualité, donc, bêtement, je ne m’y suis pas risquée.
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